Troc de fringues : écolo, féministe et gratos

Je ne vais pas vous refaire le laïus habituel de Winnie l’ours polaire tout maigre sur sa banquise qui fond. Je sais, tu sais, nous savons… Donc, on sait que si on veut sauver la planète (ou plutôt les humains qui sont dessus), il faut changer de paradigme et commencer dare dare à arrêter de polluer, produire le moins de déchet possible, réparer plutôt que jeter-racheter, et déconsommer.

Les vêtements ? C’est compliqué.
La mode émet 1,2 milliard de tonnes de gaz à effet de serre chaque année, et 4% de l’eau potable est utilisée pour produire nos vêtements. Un tee-shirt ? C’est 70 douches. Un jean ? 285 douches. Soit 7 000 à 10 000 litres d’eau.*

Ouais hein ?! Ça pique !

Et puis la mode, c’est pas seulement un problème écolo, c’est aussi pas éthique pour deux sous : au Bengladesh, une femme est payée 50€ par mois, pour 60 heures de travail par semaine (sans même parler des conditions effroyables) pour fabriquer un tee-shirt qui sort de l’usine à 10€ (dont 1,90€ seulement pour le coût du travail), et sera revendu entre trois et six fois plus cher par les grandes enseignes. **

Ouais hein ?! Ça repique !

Alors comment faire pour choisir entre notre bonne conscience et notre envie parfois de changer notre garde-robe? Le troc !!

J’organise des trocs chez moi depuis dix ans. Au fil du temps, le nombre d’inscrites a augmenté. Nous partîmes cinq ou six, mais par un prompt renfort, nous nous vîmes une cinquantaine. J’en fais trois par an : janvier, mai, et septembre. Entre les dispos des unes et les obligations des autres, nous tournons maintenant à vingtaine de participantes à chaque cession.

Chacune, à tour de rôle, montre ses affaires. Quand l’une d’entre nous est intéressée, on lève la main. Si nous sommes deux ou plus, nous faisons un tas commun. A la fin de cette orgie de fringues, nous passons aux essayages. Ce qui n’était que pour nous seules, ET ce qui est dans le gigantesque tas commun. Si, après essayage, on est toujours plusieurs sur l’article, alors on tranche : celle qui a le moins de fringues est prioritaire (mes ptites tendances communistes), et si c’est à égalité, alors avec bienveillance, on regarde à qui ça va le mieux.

Dans ces dimanches après-midi, tous les corps sont mis à l’honneur : de la naine planche (comme moi), à la grande plantureuse… On y trouve aussi des chaussures, des sacs, des bijoux, du maquillage… Et la ptite robe qu’on ne mettait plus depuis 10 ans mais qu’on adoooooore et qu’on arrive pas à jeter ? On a le plaisir de la retrouver quand on voit sa copine la porter. Vider ses placards régulièrement, se délester a un effet bénéfique sur le moral. On fait de la place pour accueillir du neuf (enfin… du troc en l’occurence!). Parce que trois fois par an, je me retrouve avec une pile de nouvelles fringues, et pendant quelques semaines, je suis moi-même un peu « nouvelle ».

Alors oui, il y a dix ans, quand j’ai commencé ces trocs, parfois, j’avais encore envie de faire les boutiques, avec la pulsion d’acheter. Mais c’est comme le sucre. Moins on achète, moins on en a envie. Tout passe. Et les magasins finissent par être sordides et blafards. On économise un fric fou, on a la conscience tranquille, et on tente des folies (mettre un motif qu’on aurait jamais acheté, mais là, c’est gratuit, et toutes les copines nous disent que ça nous va super bien !!), parfois à bon escient, parfois c’est un échec… Mais tout ça est sans conséquence ! Si finalement on ne met pas ce motif absurde et fluo ? On le remet en jeu au prochain troc. Et ce qui reste et qui n’a pas trouvé preneuse ? Emmaüs, MIAA, la Croix-Rouge… On a l’embarras du choix !

Au delà de ne plus donner d’argent à toutes ces marques qui maltraitent leurs employé.e.s et qui polluent plus que de raison, le troc m’a apporté une autre « plus-value » inestimable : la sororité. Pendant une après-midi, nous, les femmes, nous sommes ensemble… On se met en valeur, on se complimente, on s’encourage et on rit aussi parfois de nous-mêmes et de nos prétendues imperfections, tout en mangeant des quantités astronomiques de gâteau au chocolat. Quand on est toutes à poil en train d’essayer un jean dans lequel on ne rentre pas une fesse, ça fait un bien fou… Parce qu’on est toutes différentes et belles. Cette jolie valse des bourrelets nous renvoie une magnifique image de nous toutes… Si on trouve toutes les copines belles, voluptueuses, uniques, alors peut-être que moi aussi je suis belle comme je suis, avec mon ptit bidon et mes rides qui poussent ?

Tentez le troc vous aussi… Vous n’êtes pas à l’abri de vous faire de nouvelles copines, et de rapporter, caché dans le fond de votre sac de nouvelles fringues, un peu d’estime de vous raccommodée par les copines.

* Ref article
https://www.linfodurable.fr/conso/7000-10-000-litres-deau-sont-necessaires-pour-fabriquer-un-jean-comment-arreter-les-frais

** Ref article
https://www.la-croix.com/Actualite/Economie-Entreprises/Economie/Shalima-25-ans-travaille-six-jours-par-semaine-sur-une-machine-a-coudre-au-Bangladesh-_NP_-2013-01-08-896556

https://www.la-croix.com/Actualite/Economie-Entreprises/Economie/Comment-se-decompose-le-prix-d-un-vetement-fabrique-au-Bangladesh-_NG_-2013-01-08-896562

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